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Cours 1 : Un monde en mouvement : Introduction au Néolithique et introduction au cours

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Cours en ligne : UTB

 

Archéologie néolithique
De la Préhistoire à l’Histoire… A l’origine de nos sociétés
(12000-2000 avant notre ère)

Un monde en mouvement : Introduction au Néolithique et introduction au cours

 

Dans le cadre de l’Université pour Tous, je vous propose à partir de cette année, une série de cours qui portent sur la transition de la Préhistoire à l’Histoire que l’on appelle le Néolithique.

Je vais donc essayer de vous montrer ici que cette période charnière dans l’histoire de l’humanité est celle de la mise en place de tout (ou presque) ce qui constitue nos sociétés contemporaines.

Le cours de cette année sera une sorte d’introduction générale pour vous montrer tout se qui se produit dans cette période de près de 10000 ans.

Et si cela intéresse un certain nombre d’entre vous, je pourrais proposer dans les prochaines années une série de cours plus détaillés sur chacun des domaines que vous ne verrez ici que de façon résumée.

Aujourd’hui, en forme d’introduction à cette grande introduction, je vais vous présenter rapidement :

  1.  Le concept de néolithisation et sa place dans l’histoire de l’humanité.
  2. Quelques aspects de la néolithisation dans le monde.
  3. Les principales étapes de la diffusion du Néolithique du Proche Orient à l’Europe.
  4. Puis, je vous indiquerai pour finir le programme des cours à venir.

Et avant de commencer, un mot sur les sources qui permettent de construire cette histoire de la fin de la Préhistoire, pour vous rappeler que nous sommes ici dans des périodes sans écrits, du moins sans écrits connus ou déchiffrables, nous y reviendrons et donc les sources documentaires sont d’ordre archéologique uniquement.

Il s’agit d’un jeu de patience à partir des vestiges mis au jour par les archéologues année après année depuis maintenant plus d’un siècle.

Ceci ne constitue pas un problème en soi, puisque les données archéologiques peuvent être étudiées comme les textes peuvent l’être et qu’elles nous apportent de très grandes quantités d’informations comme vous le verrez.

Néanmoins je voudrais attirer votre attention sur deux aspects importants :

Le premier, c’est qu’à partir des données archéologiques, il est possible de reconstituer les cultures matérielles, les techniques,  les habitats, les sépultures, certaines données économiques et donc les modes de vie etc. Mais tout ce qui concerne les sphères du social, du politique, du symbolique ou du religieux nous échappent en grande partie et repose sur des interprétations.

Par exemple, si nous avons des sculptures ou des peintures, il nous manque évidemment le discours qui accompagne ces réalisations artistiques ou symboliques… Nous ne pouvons donc pas les interpréter facilement.

L’autre aspect est que la recherche archéologique sur ces périodes est une science relativement jeune mais en plein développement. Les nouvelles découvertes mais aussi les nouvelles méthodes d’analyses permettent souvent d’affiner nos interprétations mais parfois aussi de les contredire.

Je peux vous rassurer quand même, il y a un certain nombre de choses dont nous sommes à peu près certains ! Néanmoins dans le détail, ce que je vous dirai ici sera susceptible d’évoluer dans les prochaines décennies. Et d’ailleurs je l’espère, cela veut dire que les archéologues servent à quelque chose.

Après ce préambule, entrons dans le vif du sujet pour évoquer le concept de néolithisation.

Vous verrez que ce que l’on appelle encore la Préhistoire (que l’on dit récente) n’est de la Préhistoire que parce qu’on ne dispose pas de source écrite, mais qu’en réalité le fonctionnement des sociétés néolithiques, les évènements historiques qui se succèdent se rapportent plus à l’histoire de l’antiquité archaïque qu’à celle des chasseurs du Paléolithique qui boulottent de la viande crue, habillés en peau de bête à l’entrée d’une grotte.
Pour résumer, la Préhistoire que je vais vous présenter est sans doute plus proche du monde de Conan le Barbare que de celle de Rahan ou de la Guerre du Feu.
Chronologiquement tout d’abord.
La période dont je vais vous parler, si elle est dite préhistorique est en réalité très récente.
Représenter le temps préhistorique a toujours été un problème parce que la Préhistoire, c’est très long.

Alors, il existe ce type de représentation…

Et puis il existe ce type là, où on a rapporté la Préhistoire à un an…

Si vous vous souvenez de Lucy, ce charmant petit hominidé appartenant à la famille des Australopithecus Afarensis, découverte en Ethiopie en 1974, par Yves Coppens et son équipe.

Elle est datée d’environ 3,5 MA initialement et maintenant je crois plus précisément à 3,15 MA et nous allons tricher un peu et lui accorder 3 650 000 ans, que nous pouvons rapporter facilement à 365 jours.

Donc si Lucy occupe dans cette petite histoire le 1er janvier à 0H00 et nous même le 31 décembre à minuit, considérez que les premiers outils ne sont apparus que le 24 juin, les premières grottes ornées le 29 décembre et la poterie, qui va marquer dans de nombreuses régions la néolithisation, le 31 décembre au matin.

J’espère que cette petite pirouette vous a montré la durée de l’histoire humaine déjà écoulée et l’extrême jeunesse du Néolithique au sein de cette longue histoire.

Si vous considérez maintenant que nos ancêtres directs les plus anciens connus ne sont plus datés de 3,5 MA mais de près de 6 à 7 MA, la perspective est encore plus vertigineuse.

Alors, la néolithisation, c’est quoi ?

C’est tout d’abord une série d’innovations, d’inventions qui vont constituer des progrès décisifs dans l’histoire de l’humanité.
Si nous ne pouvons pas dire que nous sommes encore au Néolithique, nos civilisations, nos sociétés sont directement issues de cette économie et de ces techniques. En réalité jusqu’au XIXe siècle et même jusqu’au milieu du XXe siècle dans certaines de nos campagnes, les modes de vie de nos grands parents ou arrières-grands parents n’étaient pas très différents de ceux des hommes du Néolithique.
C’est pour cela que l’on peut dire, en suivant le Professeur Jean Guilaine qui est un des grands spécialistes du Néolithique en Europe que nous sommes les enfants du Néolithique. 

Nous allons maintenant faire un peu d’histoire de la recherche pour voir très rapidement, comment le Néolithique a été reconnu et comment la définition en a été constituée.

Les vestiges d’époque néolithique ont en fait contribué de façon très importante à la reconnaissance et à la définition de la Préhistoire.
Ce sont en effet des outils du Néolithique qui ont été les premiers reconnus comme des objets très anciens témoignant d’une humanité anté-diluvienne.

Il s’agissait essentiellement de haches polies appelées céraunies puis pierres de foudre pendant le XVIIe et le XVIIIe siècles.

Les premières définitions classificatoires de la Préhistoire sont finalement très récentes puisque c’est au début du XIXe siècle que M. Christian Thomsen en rangeant les collections du Musée de Copenhague, définit les 3 âges de la Préhistoire :
L’Age de pierre
L’Age du Bronze
Et l’Age du Fer

Il faut encore attendre la deuxième moitié du XIXe siècle pour que le Néolithique soit reconnu par Sir John Lubboch, naturaliste et archéologue anglais, qui, en 1865, divise l’âge de la pierre entre :

  1. un âge de la pierre ancienne ou pierre taillée
  2. et un âge de la pierre nouvelle ou pierre polie qui deviendra le Néolithique. Néo – Lithique dont vous aurez compris l’étymologie nouvelle pierre.

Et ce n’est encore qu’en 1930 que V. Gordon Childe reconnaît l’importance du Néolithique en inventant le concept de « Révolution néolithique » considérant que le passage à l’économie de production et la sédentarisation constituent l’un des tournants cruciaux de l’histoire humaine.

Voyons maintenant la définition actuelle du Néolithique.

Je vous l’ai dit : le Néolithique est constitué d’un ensemble de changements et d’innovations dans les sociétés humaines :

Il s’agit tout d’abord, par ordre d’importance, de l’apparition de l’économie de production :

Cela veut dire, d’une part, la domestication des plantes avec le développement de l’agriculture.

D’autre part, la domestication des animaux avec le développement de l’élevage.

Ce qui est très important c’est donc que l’homme va à partir de ce moment, non plus prélever sa nourriture sur le milieu comme ces ancêtres chasseurs, pêcheurs, collecteurs, mais la produire et la contrôler, donc rapidement obtenir des excédents et les thésauriser.

Attention à un raccourci un peu trop rapide, le passage à l’économie de production avec l’agriculture et l’élevage n’empêchera jamais les hommes de continuer à chasser, à pêcher ou à ramasser des fruits et des plantes sauvages… jusqu’à nos jours. Mais ces activités deviennent peu à peu des activités d’appoint, ou sociales et plus une réelle nécessité.

Ces deux innovations vont généralement en entraîner d’autres ou être liées à d’autres en réalité.

La première que je mentionnerai est la sédentarité, c'est-à-dire que les hommes se fixent généralement à ce moment en un lieu unique ou autour de ce que l’on va appeler une «  résidence principale ».
En effet, les chasseurs-collecteurs étaient par nature nomades, suivant les troupeaux et plus généralement les ressources à travers des parcours pouvant avoir des dimensions très variables.
Avec le Néolithique, le développement de l’agriculture (semer des graines, entretenir les champs et attendre les récoltes) va nécessiter de se fixer à proximité de ces champs. C’est donc le moment du développement de petits hameaux puis de villages.

Une autre innovation importante, va être le développement de la céramique, la terre cuite donc qui va constituer le matériau de prédilection pour la fabrication de récipients. Ces récipients devenant nécessaires pour le stockage mais aussi la consommation de la nourriture. Vous n’avez qu’à essayer de manger une bouillie de céréales sans un bol et vous comprendrez rapidement.

Enfin, la nécessité d’aménager des champs pour pratiquer l’agriculture amène à une autre innovation intéressante même si elle est secondaire par rapport aux premières que je vous ai mentionné, qui est le polissage de la pierre.
Cette technique permet d’obtenir des lames de hache d’une solidité bien supérieure à la lame taillée de silex pour abattre les arbres, on dit essarter, et créer ainsi des champs.

Ce sont donc les 5 points importants de la définition du Néolithique :

  1. l’agriculture,
  2. l’élevage,
  3. la sédentarité,
  4. la céramique,
  5. le polissage de la pierre.

Pour compléter cette définition et en revenant sur les questions de chronologie, soulignons que ce changement très importants des modes de vie, va se faire dans les foyers d’invention en plusieurs millénaires, cela n’apparaît pas d’un seul coup de baguette magique, et par exemple au Proche Orient qui est l’un des foyers primaires les plus anciens de Néolithisation, il se passe près de 5000 ans entre le moment où les hommes se fixent en villages sédentaires et le moment de l’invention de la céramique, moment où seront réunis les 5 éléments qui définissent le Néolithique.

Dans les régions où le Néolithique s’est diffusé à partir d’un foyer primaire, évidemment les traditions néolithiques peuvent arriver toutes constituées, apportées par des colons, nous y reviendrons.

Ce que vous devez retenir, c’est à la fois qu’il s’agit d’un phénomène progressif, une invention en entraînant une autre… pendant plusieurs millénaires et qu’en même temps, l’expression de « Révolution Néolithique » de Gordon Childe n’est quand même pas fausse, car 5000 ans par rapport à 3 ou 6 millions d’années d’évolution, c’est quand même une révolution.

 J’espère que jusqu’ici vous suivez bien, parce que jusqu’ici c’était facile.
Passons maintenant aux « mais » car il y a toujours un mais quelque part avec les archéologues.

Tout d’abord, il existe plusieurs foyers de néolithisation sur la planète.
Le Néolithique n’est en aucun cas une invention unique, mais au contraire un semi de petites innovations dans des régions parfois très éloignées et à partir desquelles l’économie néolithique va se diffuser à de très vastes régions.

Pourquoi une évolution similaire s’est elle produite en plusieurs points de la planète ? En fonction des connaissances actuelles, Les innovations qui font le Néolithique ont été rendues possibles par une amélioration climatique qui a concerné l’ensemble de la planète à l’issue de la dernière glaciation…

En même temps, des glaciations, il y en a déjà eu un certain nombre et donc autant de période interglaciaires d’améliorations climatiques. Et pourtant ces innovations ne se sont pas produites plus tôt pendant la Préhistoire.

Il faut alors penser que la néolithisation, rendue possible par cette amélioration climatique globale est aussi liée à un état général d’avancement des techniques ou des sociétés humaines.

Le débat sur le pourquoi de ce phénomène est encore loin d’être clos.

Conséquence de l’existence de ces multiples foyers : la néolithisation a pris des formes différentes sur les différents continents.
Différence qui concernent autant les espèces animales et végétales qui vont être domestiquées (évidemment, en fonction des animaux présents localement à l’état sauvage) mais différence aussi dans l’ordre d’apparition de ces différentes innovations qui font le Néolithique.

Je vous propose maintenant un très rapide tour du monde de ces foyers de néolithisation.

Le plus ancien et probablement le mieux connu est le Proche Orient, - vous vous souvenez du fameux croissant fertile, qu’on présente dès l’école primaire et les premières années du collège… en même temps c’est celui qui nous intéresse le plus car il est responsable de la néolithisation de l’Europe, nous le verrons donc en dernier.
Un autre foyer très ancien se situe en Afrique et précisément dans la moitié nord de l’Afrique, au cœur des régions sahariennes.

Vous devez savoir que les régions sahariennes, au début de l’holocène, la période qui nous intéresse ici, ne sont pas des régions désertiques, mais des zones de savanes parsemées de petits lacs parfois permanents et peuplées de nombreux animaux que l’on retrouve aujourd’hui dans l’art rupestre que nous ont laissé les populations depuis le Néolithique.

Les données les plus récentes indiquent l’apparition de la céramique dans ces régions dès le Xe ou le IXe millénaire avant notre ère.
Puis aux VIIIe et VIIe millénaire, on observe la domestication du millet et de bovidés.

En fait la néolithisation de la moitié nord de l’Afrique demeure un phénomène complexe car en plus de ces inventions très probablement locales, le continent subira une double influence, en provenance du Proche Orient vers l’Egypte d’une part et un peu plus tard en provenance de la péninsule ibérique vers le Maroc et l’Algérie, dans la poursuite du grand courant de néolithisation du bassin méditerranéen.

Si nous laissons de côté le Proche Orient pour le moment, nous devons poursuivre notre périple jusqu’en Asie pour trouver un nouveau foyer de néolithisation.

En Inde, on a supposé l’existence d’innovations importantes, pendant un moment. Cependant, cette région semble sous influence importante du Proche Orient et il n’est pas certain que les inventions strictement locales soient nombreuses.
Diapo : Chine

Il faut donc aller jusqu’en Chine, où il existe peut-être même plusieurs foyers distincts d’invention.

Dans l’ensemble, on peut observer tout d’abord le développement de la céramique et de la pierre polie entre 10000 et 8000 avant notre ère, dans le sud-est de la Chine tout d’abord.

Des espèces domestiques (plantes et animaux) apparaissent dans divers secteurs, dans les millénaires suivants, généralement entre 7000 et 5000 et cela concernera principalement le porc puis le mouton et le millet, puis le riz (Ce dernier en Chine centrale) et d’autres espèces végétales : choux, chanvre, colza…

De grands villages se développent dans la même période comme ici le site de Banpo ou Pan-Po entre 6000 et 5000 avant notre ère est le mieux connu du Néolithique chinois. Il s’agit d’un village qui a pu être fouillé et conservé sur une grande surface. Il appartient à la culture de Yang Shao.
Il existe probablement quelques développements autochtones en Papouasie-Nouvelle-Guinée autour de 7000 avant notre ère, où l’on connaît des fossés de drainages aménagés et des outils agricoles, mais cela reste encore méconnu.
Il faut ensuite aller en Amérique pour trouver de nouveaux foyers.
Il y en a deux actuellement assez bien connus, dans les Andes en Amérique du sud et en Mésoamérique au Mexique actuel.
Une troisième région est sans doute concernée par ces développements précoces en Amazonie, au cœur de la forêt puisqu’on connaît aujourd’hui au Brésil les plus anciennes céramiques du continent autour de 5000 avant notre ère, associée à l’exploitation du manioc.

Dans les Andes, on peut observer les domestications des plantes et des animaux :

Dans plusieurs niveaux successifs de la grotte de Guiterrero à 2600 m d’altitude : plusieurs plantes ont été découvertes et considérées comme domestiques par les botanistes : du piment (entre 8600 et 8000), des Haricots (entre 7000 et 6000), puis du maïs (peut-être dès 5500) et des courges vers 4000. Mais il s’agit ici d’un site occupé par des chasseurs-collecteurs non sédentaires.
Plus au sud, dans le bassin d’Ayacucho, on signale des cucurbitacées cultivées entre 5700 et 4300 avant.

Les plus anciennes pommes de terre cultivées proviennent du site de Huaynuna (côte centrale du Pérou) et datent seulement de 2000 avant.

Seules 4 espèces animales sont domestiquées dans ces mêmes régions.
Il s’agit tout d’abord de deux espèces de lama (la vigogne et le Guanaco) qui donneront comme espèces domestiques l’Alpaca et le Lama, premiers à être domestiqués autour de 3000 avant notre ère, du canard musqué domestiqué à une date encore inconnue et du Cobaye (ou cochon d’Inde) domestiqué vers 500 avant probablement.

La céramique réapparait sur la côte caraïbe de Colombie et du Venezuela autour de 3500, mais elle n’atteint l’aire andine qu’à partir de 1800 avant notre ère.

Le même type de processus de domestication des plantes peut être observé au Mexique dans les vallées de Tehuacan et de Oaxaca.
Il s’agit d’amarante, d’avocat, de piment et de proto-maïs, de haricots et de cucurbitacées dont les formes domestiques apparaissent entre 7000 et 6000 avant notre ère.

Revenons maintenant au Proche Orient.

Au Proche Orient, la néolithisation va concerner ce qu’on a donc appeler le croissant fertile.
Il s’agit donc d’un grand arc englobant la région du Levant (la côte méditerranéenne) et les versants et les piémonts des montagnes du Taurus et du Zagros.
Sur une carte politique, ça nous donnerait grosso modo : La Syrie, le Liban, Israël, la Palestine, La Jordanie et l’Irak ainsi que le sud de la Turquie, l’ouest de l’Iran et le nord-est de l’Egypte.

Evidemment, dans ce grand territoire, le climat et l’environnement sont différents et les grandes modifications climatiques de la période ne produisent pas les mêmes effets d’une région à l’autre.
La Néolithisation va surtout concerner dans un premier temps la partie levantine, à l’ouest et s’étendre ensuite.

Le processus de la néolithisation s’étend sur près de 5000 ans à partir de ce premier moment d’amélioration climatique post-glaciaire, grosso modo à partir de 12000 avant notre ère.

On distingue 4 grandes étapes dans ce long processus de néolithisation :

La première période de ce long processus est datée de 12000 à 10300 avant notre ère.
Nous ne sommes pas encore au Néolithique, les populations du Levant sont encore des chasseurs-collecteurs qui vivent quasiment comme leurs ancêtres paléolithiques.

Cependant, avec l’amélioration climatique qui débute, les ressources disponibles dans l’environnement proche vont se multiplier, en même temps que le couvert végétal et par voix de conséquence, les animaux.
Autour de 11000 avant notre ère, peut-être avant, certains groupes vont se sédentariser en petits hameaux, avoir un habitat permanent donc, se qui caractérise l’un des éléments de la néolithisation.

En marge de ce changement important, on voit se développer des outils qui traduisent une exploitation plus importante qu’avant des ressources végétales (des couteaux à moissonner, des meules et des mortiers, une vaisselle de pierre…). Et cela dans une période où l’on sait que se développent les céréales sauvages en grands champs spontanés, naturels pour le moment.

D’autres changements accompagnent ces phénomènes au niveau des symboles, des sépultures… nous y reviendrons ultérieurement.

La deuxième étape est datée de 10300 à 8800 avant notre ère. Ce n’est pas la mieux connue et bien évidemment, c’est la période cruciale dans laquelle beaucoup d’évolutions vont se produire.
L’amélioration climatique se poursuit et devient plus stable.

L’essentiel des traditions de la période précédente se poursuivent, mais on voit apparaître de nouveaux éléments comme les haches de pierre polie qui témoignent généralement d’essartages, de l’abatage de la forêt.
Les habitats évoluent considérablement, comme les traditions funéraires et le domaine symbolique. De grands aménagements collectifs apparaissent, nous y reviendrons aussi.
Ce qui nous intéresse ici, c’est l’existence très probable d’un proto-élevage avec un contrôle des troupeaux chassés et la présence dans de rares cas de graines de plantes qui pourraient être domestiques et l’observation indirecte de champs travaillés (par le développement de plantes que l’on dit adventices qui se développent dans des terrains aérés par le travail, dans les champs cultivés.
Le problème dans cette période pour assurer les domestications, est que la morphologie domestique des plantes, et des animaux d’ailleurs, n’apparaît pas dès la première génération… Il faut un temps assez long pour que des modifications observables s’opèrent… Mais les domestications apparaissent probablement dans cette période.

Ces domestications et donc l’élevage et l’agriculture sont attestés dans la troisième étape, entre 8800 et 6900 avant notre ère.

Je ne détaille pas ici l’évolution de la culture matérielle, des modes de vie… Mais autour de 8300 à 8000, plantes et animaux domestiques apparaissent. Assez rapidement dans diverses régions pour les plantes et au départ au nord de la région, à la frontière Syrie-Turquie pour les animaux. J’y reviendrai en détail la semaine prochaine, mais nous voyons là se développer à la fois des céréales et des légumineuses domestiques et les quatre espèces d’ongulés du Proche Orient (des animaux à sabots donc) : des moutons et des chèvres, des bœufs et des porcs.

Ce développement de l’économie de production accompagne de profondes transformations de la société, nous aurons là de véritables petites villes, des sanctuaires, des échanges à longue distance…

Il faut encore attendre le début de la quatrième étape à partir de 6900, pour observer le réel développement de la dernière des innovations qui composent la définition du Néolithique.

 

Il s’agit de la céramique. Celle-ci va apparaître très rapidement dans plusieurs régions et elle semble d’emblée assez sophistiquée, soignée tant techniquement que stylistiquement, ce qui témoigne sans doute d’essais plus anciens.

A partir de cette époque, on va observer un double phénomène, d’une part, la région initiale de ces changements va connaître des troubles. Les grands villages du Levant disparaissent, abandonnés, incendiés et la belle société mise en place semble s’effondrer.

Dans le même temps, on va voir se développer de nouvelles civilisations dans les régions voisines, à la fois à l’est en Mésopotamie et au nord en Anatolie (en Turquie actuelle).
Le second phénomène, très important, c’est que le mode de vie néolithique va se répandre ; très vite et très loin, vers l’Inde, vers l’Afrique du nord-est et vers l’Europe.

En réalité, les premières colonisations néolithiques remontent à la période précédente, puisque l’île de Chypre est atteinte dès 8400-8300 par des populations du Proche Orient qui apportent des espèces animales et végétales domestiques…

En direction de l’Europe, le mouvement s’amorce à partir de la Turquie essentiellement dès 6800 avant notre ère, vers la Grèce tout d’abord, en plusieurs phases de colonisation et d’implantation.
A partir de la Grèce, vers 6100 avant notre ère, deux grands mouvements vont s’amorcer et répandre le mode de vie néolithique à travers l’Europe.
Le premier, et le plus rapide est le courant méditerranéen qui va déplacer des populations néolithiques jusqu’en Méditerranée occidentale et au-delà puisque le détroit de Gibraltar sera franchi dès 5600.
Le second, plus lente mais peut-être plus profond, remonte au travers des Balkans et va traverser toute l’Europe continentale en suivant le cours du Danube vers le nord-ouest jusqu’à la France et au bassin parisien entre 5300 et 5000.
L’Europe sera presque entièrement passée au mode de vie néolithique à partir de cette époque mais il faut encore attendre pour que ce mouvement touche les régions les plus septentrionales et les îles britanniques au début du quatrième millénaire, vers 4000.

Les processus de ces diffusions sont assez complexes, entre réelles colonisations très rapides et expansions démographiques progressives, avec une part variable des populations indigènes qui accueillent plus ou moins bien les nouveaux venus et leurs traditions.

Toujours est-il que ce phénomène de néolithisation va toucher, plus ou moins rapidement, la plupart des régions du globe à partir des divers foyers de néolithisation initiaux sur chaque continent.

On peut observer cependant que les régions de néolithisation ancienne, ces foyers primitifs sont aussi ceux qui connaitrons à la suite les développements les plus importants, le développement de la métallurgie, la révolution urbaine, le développement des comptes, de l’écriture, de l’Etat… tout ce qui a fait les Civilisations de l’Antiquité que vous connaissez.

Mais n’oubliez cependant pas que ce mode de vie néolithique, celui de la sédentarité et de l’économie de production n’est pas un modèle unique, obligatoire dans l’histoire des populations humaines et qu’il reste ou qu’il restait il y a peu des groupes humains pratiquant le nomadisme, des chasseurs-collecteurs donc… Et peut-être même des chasseurs collecteurs heureux.

Pour la suite de ces cours, je vous propose d’aborder le Néolithique au travers de grandes thématiques :

    • Les mutations économiques et sociales avec les premiers paysans et les premiers commerçants. Nous verrons donc en détail les domestications et les échanges.
    • L’habitat, la sépulture et le temple : comment l’homme marque son territoire et se met à construire toujours plus grand.
    • Un cours spécifique sur Ötzi la momie des glaces découvertes dans le Tyrol au début des années 90.
    • Le développement de la métallurgie et les pré-écritures du Néolithique.
    • Et enfin un cours sur ce qu’on appelle le phénomène campaniforme qui clôt la période néolithique en Europe occidentale et qui demeure assez énigmatique comme vous le verrez.
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